Zoom sur les métiers de producteur et de tourneur ! Quel est le rôle du producteur ? Comment s’articule-t-il avec celui de tourneur ? Comment évoluent ces métiers en cette période de transition digitale ? Notre invité Gilles Mattana (sociétés Book your show et Les Deux Belges), producteur indépendant de Messmer, Véronique DiCaire, Les cowboys fringants, Voca People, « Les hommes viennent de Mars, les femmes de Venus » et bien d’autres, répondra notamment à ces questions. Bonne écoute !
Exactement. J’ai fait toute une carrière de Sportif (sport-études) jusqu’à 24 ans. Puis, j’ai tout quitté en peu de temps et je suis arrivé, je ne sais pas comment, dans le Monde du Spectacle.
J’habitais avec un de mes cousins (on était en colocation). Il faisait un peu de guitare, il était dans des groupes…
Il a écrit ses chansons et a voulu que je l’aide à « monter ça ». On a donc commencé comme ça, tous les deux.
Oui, c’est ça ! En fait, on a fait un apéro (des fois, il y a des vertus à l’apéro ! [Rires]). On était un peu « pétés », il m’a fait écouter ses chansons et j’ai trouvé ça génial, évidemment. Je lui ai dit : « Lances-toi, ça va cartonner ! ». Il m’a dit : « Ouais, mais moi tout seul, je ne sais pas faire ». Je lui ai dit : « Mais allez ! Je t’aide ! », et c’est vraiment parti comme ça.
Il a monté un groupe, il a fait ses chansons… J’ai vraiment commencé comme ça. J’ai tout appris. Il a fallu trouver des dates de concerts, des salles de répétitions, financer et promouvoir l’album… tout faire ! C’est comme ça que ça a démarré.
Oui, du jour au lendemain. En six mois, j’ai pris ma décision et j’ai tout arrêté.
Absolument. Je ne l’ai pas du tout anticipé. Je n’y ai pas du tout pensé. En plus, toute ma carrière scolaire a été plutôt axée sur la suite de ma carrière sportive… [Rires]
[Rires] Non, justement, je me suis bien rattrapé après (on ne buvait pas trop).
J’ai juste fait une Ecole de Commerce qui m’a quand même un peu structuré, au moins sur les calculs. C’était toutes les armes que j’avais. De toute façon, dans nos métiers, il y a bien évidemment un peu de Gestion mais c’est beaucoup du relationnel, du ressenti, de l’énergie… des choses que tu apprends au fur et à mesure.
Je ne sais pas. Peut-être à partir du moment où j’ai mis de l’argent (que je n’avais pas) sur un Groupe. Je pense que ça a commencé comme ça.
Oui, il faut bien dépenser de l’argent ! Tu te dis : « OK, mon revenu sera la recette du concert », mais il faut bien dépenser avant pour réserver la salle, payer les affiches… Je n’avais pas forcément d’argent de côté, j’ai donc dû trouver des astuces pour le faire.
Tu croises les doigts en te disant : « Les recettes vont être supérieures aux dépenses ». Tu anticipes le succès.
Des fois, ça marche et des fois ça marche moins bien.
Oui, pour ce Groupe. Après, comme il y a eu un beau succès pour ce groupe en local, d’autres Groupes locaux m’ont demandé de travailler avec eux, puis un Humoriste… Ca s’est enchaîné et j’ai monté une première structure assez rapidement d’ailleurs, pour porter tout ça.
Lors de mon deuxième Festival d’Avignon, je me suis pris une « bonne douille ». Une « bonne douille », ça veut dire que tu y vas un peu confiant et, clairement, le spectacle n’intéresse pas le Public. Le Public ne vient pas. Tu as beau t’exciter à aller convaincre des gens de venir, à faire de la promotion, etc… quand ça ne va pas, ça ne va pas.
Quand un Artiste ne rencontre pas son public, tu as beau t’agiter, ça ne fonctionne pas.
Oui, parce que j’étais un peu « fragile » au début. Je n’avais pas forcément de financement, tout ce que je gagnais je le réinvestissais. C’était vraiment extrêmement fragile, effectivement. C’était mes années de formation. Au final, tu apprends à mieux gérer, à mieux anticiper, à calculer tes risques…
Je pense qu’il y a une part d’inconscience dans nos métiers. Tu ne peux pas rendre tout rationnel. On n’est pas dans un métier rationnel. Si tu veux tout rendre rationnel, au final, tu ne fais pas grand-chose : tu ne prends aucun risque.
Au final, dix ans après, les plus beaux succès que j’ai vécus jusqu’à maintenant, c’est parce qu’il y a une part d’inconscience. Tu as le risque que tu imagines, mais tu y vas parce que tu y crois ! C’est tout. Il n’y a pas d’autre chose.
Effectivement, j’étais salarié d’une structure et je me disais : « Il faut qu’on ramène des choses un peu « nouvelles » qui n’existent pas tellement en France ». Grâce à YouTube et à Facebook, je suis tombé sur une vidéo des Voca People. A l’époque (2006-2007), ils buzzaient : ils avaient fait plus de 6 000 000 vues (ce qui n’est « rien » maintenant mais c’était beaucoup à l’époque), comme ça : sans « pousser la vidéo ».
La vidéo est arrivée plusieurs fois sur ma page Facebook, j’ai essayé de savoir qui c’était. Ils étaient Israéliens, j’ai trouvé un nom de « boîte », j’ai écrit… C’était un peu naïf de ma part, mais je pensais que c’était déjà signé par d’autres. En fait, pas du tout : leur spectacle n’était même pas créé.
On a commencé à prendre contact. A l’époque, j’avais un anglais… [Rires]
… il n’est pas « parfait », mais en tout cas beaucoup plus clair !
« Welcome to France ! If you want to come, I will be very happy to welcome you ! I have a big project for you ! ».
[Bienvenue en France ! Si vous nous rendez visite, je serai ravi de vous accueillir ! J’ai un gros projet pour vous !]
C’était vraiment ce niveau-là.
Au final, ça s’est fait. C’était une longue négociation avec eux et ça a eu « le succès que ça a eu ». Le temps de préparation, c’était quand même un an et demi avant qu’ils n’arrivent sur le territoire Français. J’avais vraiment pensé la stratégie et j’avais beaucoup travaillé mon projet.
Des fois, il arrive que tout ce que tu as mis en place, tout ce que tu as pensé se réalise vraiment comme tu l’as pensé.
On quand même a fait cinq saisons avec The Voca People en France. C’était extrêmement fort.
Exact. Ferrero s’était un peu intéressé à « ces bonhommes en blanc qui chantent ». Ils s’étaient dit : « Ça ressemble à des Tic Tac. On va donc faire des pubs The Voca People / Tic Tac ».
Ferrero est donc arrivé dans l’affaire et on a vraiment utilisé cette force-là (évidemment, on n’est pas du tout sur les mêmes montants sur l’industrie de Ferrero). On a fait des choses extrêmement intelligentes, on s’est bien entendus et ça a fait ce succès en France. La même stratégie a été développée en Italie, ça n’a pas du tout fait la même chose. C’est aussi la différence entre les Marchés : on ne peut pas travailler de la même manière dans n’importe quel pays.
J’aime bien aussi inventer des choses et les fabriquer pour pouvoir les mettre sur le territoire Français (ou francophone) et sur des territoires internationaux, comme Bharati par exemple.
Bharati existait depuis 10 ans sur une première version…
Bien-sûr ! Bharati est un spectacle complètement « Bollywood », avec des danseurs et chanteurs indiens. Ca raconte l’histoire d’une jeune fille qui est née en Europe et qui retourne dans son pays d’origine, l’Inde (le pays de sa famille).
On a eu un grand succès pendant 10 ans. Bharati est passé « dans les mains » de plusieurs Productions (on l’a récupéré sur les dernières années). Puis, on a décidé de fabriquer la suite, Bharati 2, avec eux. L’idée était de l’amener sur le territoire Français ou francophone et de le développer sur d’autres territoires.
On fait beaucoup de différences entre le Théâtre Public et le Théâtre Privé en France. C’est assez… j’allais dire « affligeant » : je pense qu’on n’est plus du tout dans des périodes où on doit séparer les choses de la même manière. D’ailleurs, on ne se pose pas du tout la question au Cinéma. Oui, il y a le Cinéma d’Auteur et la « grosse industrie » cinématographique, mais le Public aime bien voir les deux, en fait.
Quand je vais au cinéma, j’ai de temps en temps envie de me « prendre un peu la tête » et d’être nourri avec des choses très intellectuelles puis, des fois, j’ai juste envie d’aller voir un « gros » Avengers, avoir de l’émotion, etc…
Au final, je vais dans la même salle de cinéma.
Dans le Spectacle, on ne peut pas faire ce parallèle. Il y a des salles vraiment spécialisées en « Recherche et Développement » ou en « haute intensité artistique ». Il est difficile de mettre des mots dessus (au final, on parle de « pas grand-chose »). Il y a des spectacles pour divertir, spectacles pour « nourrir » et des spectacles qui font les deux. Moi, je n’aime pas mettre de limite là-dessus.
Pour en revenir à ta question, effectivement, une partie de mes activités est vraiment dédiée à ce qu’on appelle le « Théâtre Public » ou le « Théâtre de Ville », des centres culturels aux centres nationaux, où on a une offre de spectacles qui est adaptée à ça : du Théâtre Contemporain, du Cirque Contemporain et, depuis quelques années, de la Danse Hip Hop.
On a développé la Danse Hip Hop suite à la rencontre avec Marion Motin, qui est Chorégraphe. J’étais totalement amoureux de son travail. Je ne faisais pas de danse du tout mais j’avais envie qu’on travaille ensemble. De là est née une belle collaboration avec Marion et d’autres Compagnies de Danse.
Exact. Elle ne travaille plus avec Christine and the Queens mais avec Angèle par exemple. Elle fait beaucoup de choses et elle développe aussi ses activités et sa Compagnie.
Tout à fait. On a aussi une volonté de « l’exposer » à l’international. Je pense qu’elle a tout à fait les capacités de devenir une grande Chorégraphe qui tourne dans le monde entier.
Il y a plein de métiers de Production. D’ailleurs, il y a plein de manières de produire.
Je suis Producteur, tu es un Artiste. Tu viens me voir et tu me dis : « Je veux faire ça ». En tant que Producteur, j’ai les moyens et les équipes pour le faire et je vais le réaliser. Je vais donc « partir de toi ». Ça, c’est une première version.
Il y a une version un peu plus complémentaire : tu arrives avec un projet pas très clair et je vais t’accompagner sur ce projet-là, en apportant une plus-value, en disant : « Ton idée est bonne, mais peut-être qu’on pourrait aller aussi là ».
Il y a aussi des Artistes qui sont vraiment sur la partie créative, un peu « la tête dans le guidon », et tu leur apportes une stratégie beaucoup plus générale, avec une vision à moyen et long terme.
C’est aussi ça le rôle du Producteur : au-delà des moyens financiers, techniques, de Communication et de Marketing, c’est de penser beaucoup plus général et beaucoup plus à long terme.
Bien-sûr ! Des fois, tu ne comprends pas l’Artiste. Des fois, il est changeant et ne sait pas forcément ce qu’il veut : on arrive avec une idée et quand ça commence à se concrétiser, l’Artiste dit : « Ce n’est pas du tout ce que j’ai envie de faire ». Ou tu revois ta copie, ou tu te dis : « On n’est pas tout à fait sur la même vision. Je ne suis peut-être pas la bonne personne pour toi ».
Oui ! Tu peux aussi travailler avec des Artistes qui ont déjà « eu une vie » avant,et leur donner un « second souffle », une seconde vision.
Absolument !
Bien-sûr !
Robert… est présent sur le territoire français depuis très longtemps. Chaque année, avec une autre Structure, il venait faire des tournées.
On était en lien avec son Manager Québécois à qui on a dit : « On a d’autres idées pour Robert : bien communiquer quelle est la place de Robert dans le Monde de la Francophonie et de la Chanson ». Ce qu’on a tous oublié, c’est que Robert Charlebois a apporté énormément de choses dans la Chanson Francophone. Il a participé à la Révolution Culturelle du Québec.
Il faut bien savoir que dans les années 1970, les parents interdisaient aux enfants d’écouter du Charlebois. Il y a toute une histoire qu’on a reraconter avec différents médias. On a redécouvert ça.
Je ne sais pas combien de dates on a fait avec Robert l’année dernière, mais c’est « énorme » !
Exact ! Il revient bientôt avec un spectacle qui retrace toute sa vie.
Robert est un « vrai Rockeur ». Il a plus de 70 ans, mais c’est un gars génial !
Quand on a connu Messmer, il était déjà une star au Canada.
Si, c’est vrai !
Au Québec, ils aiment énormément les spectacles. Ils vont en voir énormément, et notamment des spectacles d’humour. On peut placer Messmer dans l’Humour : il y a de l’humour dans son spectacle.
Quand on l’a découvert, on nous a dit : « Viens voir un Hypnotiseur québécois ! C’est une star ! ». A l’époque, ce n’était pas très « sexy » à dire. J’avoue que j’y suis allé en mode : « OK, je vais aller voir… », sans vraiment d’attente.
On voit beaucoup de spectacles dans nos métiers. De temps en temps, on manque un peu de recul. On oublie d’avoir le « regard de la première fois ». Là, je me rappelle très bien qu’on était comme des enfants (on était cinq) : « Ah, mais c’est génial ! Comment c’est possible ? ».
On en a tellement parlé en sortant (je discutais avec des amis), qu’on s’est dit : « Si nous sommes capables de réagir comme ça, beaucoup d’autres gens sont capables de réagir comme ça ». On s’est dit : « On y croit. C’est le bon moment pour le faire ». On est partis sans se poser de question. On s’est dit : « Si on est capables de faire un bouche-à-oreille déjà aussi fort, le Public fera la même chose ». C’est ce qui s’est passé.
C’était le tout début. Très peu de choses avaient été faites en France, en fait.
Nous, on a dit : « On y croit à mort ! On va y aller vraiment très fort ! ». On a donc réservé le Théâtre Bobino… voilà.
Tu ne sais jamais. Tu ne sais pas combien de temps ça va prendre.
On s’est dit : « Le bouche-à-oreille va être fort, il faut qu’on mise là-dessus ». Au début, on a effectivement tout organisé pour « enclencher » le bouche-à-oreille. Ca a pris quand même un an.
La force de ces spectacles, c’est que quand le Public aime, il en parle. On a fait une première année un peu difficile au Théâtre Bobino et en tournée, et la deuxième saison, les gens parlaient tellement et tellement fort, que c’était « parti » !
C’est pareil pour les Médias. Messmer a fait le tour des Rédactions de presse pour aller hypnotiser les Rédacteurs en Chefs, les équipes, etc… parce que personne n’y croyait ! Quand tu as ton Rédacteur en Chef qui est par terre, totalement hypnotisé, qui pleure… tu es « scotché ». Tu ne peux rien dire.
On a énormément travaillé l’Artistique : il y a des histoires de goûts et des histoires de culture. Quand la première version du spectacle de Messmer est arrivée en France, on a très vite vu que des choses ne fonctionnaient pas, ou moins bien. On a travaillé avec les équipes artistiques de la Production québécoise et Messmer. On a travaillé l’accent aussi : il a un accent québécois et on avait besoin de compréhension tout à fait claire (même s’il a gardé son accent, évidemment). Puis, on a travaillé sur le contenu : effectivement, il y avait des choses un peu moins pertinentes sur le marché français.
Chaque année, on se disait : « L’hypnose… Les gens vont se lasser… ». Chaque année, on vend plus de billets !
Quand je te parlais « d’air du temps », je pense que ce type de spectacle où tu viens vivre quelque chose avec des amis, avec ta famille, où tu viens partager quelque chose d’exceptionnel… Maintenant, les gens viennent pour être hypnotisés, ce qui n’était pas le cas au début. Au début, ils venaient en mode : « Non, je ne veux pas. Je veux regarder ce qu’il se passe ». Maintenant, les gens viennent à plusieurs, entre potes, en disant : « On veut être hypnotisés », « Tu vas monter sur scène ! » … c’est le grand huit !
Bien-sûr !
Jean-Luc fait de l’Humour depuis très longtemps. Quand on l’a « récupéré », c’était tout au début de sa collaboration sur TPMP.
On a eu la chance qu’il fasse à la télé ce qu’il faisait en Humour : il y avait une cohérence dans ce qu’il faisait. Il a évidemment élargi son public. Plein de publics (notamment une jeune génération) ne le connaissaient pas.
On l’a accompagné avec ses « envies ». On était sur quelque chose d’assez traditionnel dans la manière de produire : on accompagnait un Artiste qui voulait faire quelque chose. On était vraiment en étroite collaboration avec lui, avec ses « envies », ce qu’il voulait faire, ne pas faire… « On pourrait t’amener là », « On pourrait faire ça, ça pourrait être nouveau », « Qu’est-ce que tu en penses » … On est beaucoup dans l’échange.
Mes Partenaires, voilà. Notamment Alain qui est mon partenaire depuis The Voca People. On s’est vraiment rapprochés il y a quelques années sur l’ensemble de nos activités. Il a travaillé avec Charles Aznavour sur la partie internationale pendant plus de quatorze ans. C’est lui qui a développé le projet Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus qui a été un énorme succès.
On aime bien faire des concepts. Les concepts un peu bizarre, auquel personne ne croit (Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus, The Voca People, Messmer) … ça nous « excite à mort » !
Les modèles d’Humour… Quand on développe un Artiste en Humour, tout le monde fait à peu près la même chose (avec des différences, bien évidemment : les Artistes sont différents). Quand tu « ramènes » Messmer ou The Voca People, tu dois vraiment te « creuser la tête » en disant : « OK, c’est quoi mon marché ? Je n’ai pas d’exemple. Il va donc falloir que je crée quelque chose ». Là, intellectuellement, c’est hyper intéressant.
Oui. On a tous vécu ça.
Forever Young, oui… une comédie musicale qu’on a montée en 2015.
C’était aussi pendant les attentats de 2015, il y a eu beaucoup de choses… mais je pense qu’on a raté ce spectacle, clairement. Là, tu vois le spectacle, tu te dis : « OK… ». On n’a pas fait les bons choix… c’est raté, quoi !
Tu sais, quand tu pars dans une aventure, tu as toujours l’espoir qu’à moment donné « ça le fasse ». Sinon, tu arrêtes tout de suite. Tu as quand même une énergie qui est lancée… C’est une aventure humaine, il faut bien le savoir.
Tu le « lances », tu le mets devant un public… Quand tu vois que « ça ne prend pas », tu essaies de faire les modifications qu’il faut (un spectacle ne sort pas parfait), tu l’adaptes… et tu sens qu’il n’y a pas d’envie.
J’ai aussi réussi des spectacles où il n’y avait pas d’envie du Public. Ça arrive aussi.
Quand il n’y a pas d’envie, il n’y a pas d’envie. Tu es battu d’avance : c’est un sujet que le Public n’a pas envie d’entendre à ce moment-là.
Pour Messmer, peut-être que dix ans avant, le Public nous aurait dit : « L’Hypnose ne nous intéresse pas ». On aurait eu beau faire le plus beau spectacle d’Hypnose du monde, si le Public n’avait pas envie de voir ça à ce moment-là, il n’y serait pas allé.
Si tu regardes les spectacles qui « marchent » et ceux qui « ne marchent pas », il y a une histoire d’envie.
Il y a des spectacles ratés et des spectacles qui ne rencontrent pas leur Public. C’est triste, mais malheureusement c’est comme ça. On fait un métier pour faire rencontrer un Artiste, un spectacle et un Public. Si le Public n’a pas envie… il ne vient pas, tout simplement.
Comme tu le sais, le Monde du Spectacle est en train de changer totalement. Les Acteurs sont en train de changer, les Artistes aussi… tout est en train de se « bousculer ». Les Producteurs doivent donc aussi se remettre à changer.
Ce qui est passionnant, c’est qu’à 44 ans, je vis une évolution de mon métier. J’ai l’impression que je participe à l’évolution de quelque chose.
Quand tu arrives et que tout est déjà un petit peu « scellé », que les Acteurs sont là… tu te fais ta place, évidemment. Quand tu vis une période de transition comme celle-là, ça peut faire peur, mais je trouve ça hyper excitant !
Cela veut dire qu’il y a plein de choses à réinventer, notamment toute la partie Digital et Numérique.
Cela implique énormément de choses : la manière de vendre, la manière de travailler avec un Artiste, les possibilités, le rôle de Producteur. Quand un Artiste arrive et maîtrise totalement sa communauté, son public et son univers artistique : quel est le rôle du Producteur (à part être Secrétaire, Banquier… ou « caler des dates ») ? Ce n’est pas le même métier.
Cela nous force aussi à réinventer les choses, à proposer de nouveaux modèles aux Artistes pour les faire encore plus évoluer. Au final, ce sont eux qui « poussent », qui sont « en attente ».
Des Artistes un peu « perdus dans leur Musique ou leur Art » et qui ne pensent pas au « reste » … j’en rencontre de moins en moins. Maintenant, tout le monde est un peu « structuré », sait un peu comment ça marche. Ce sont quasiment des chefs d’entreprise à qui nous avons affaire. Il faut donc avoir une valeur ajoutée. Si tu n’en as pas, ça ne marche pas.
Oui, c’est ça ! Apporter une compétence. Il a un projet et tu apportes une compétence à ce projet-là.
Ce que j’aime bien faire, c’est être un peu « couteau suisse » : si un Artiste n’arrive pas avec la même demande ni la même envie parce qu’il a déjà des compétences, je lui offre ce qui est complémentaire à ce qu’il est. Je ne peux donc être que Tourneur, ne faire que la partie Production, ne faire que la partie Digital…
Chaque Artiste est unique et a une volonté propre. Le but est de trouver son individualité et de lui apporter des choses complémentaires en fonction de lui. J’aime bien ça. Je ne travaille pas du tout de la même manière avec tous mes Artistes.
J’ai un peu éprouvé la résistance au changement. Intellectuellement, tout le monde est d’accord pour dire : « Il faut changer, trouver des nouveaux « trucs » ». Après, pour le mettre en place… On a tous une résistance au changement (je crois que c’est vraiment une réaction du cerveau) et, au final, on n’aime pas tellement changer les choses.
Il y a donc eu beaucoup d’interrogations. Les parties Digital et Numérique, ce sont beaucoup de questions et plein de domaines différents. Tu ne peux pas dire : « Voilà, j’ai trouvé la solution : c’est aussi simple que ça ! ».
Tous les Producteurs sont en train de chercher. J’ai eu beaucoup de discussions avec mes collègues. Ce que j’aime, c’est qu’on partage énormément d’informations. Personne n’a de vérité. Personne n’a sorti « le » modèle (je pense qu’il n’existe pas). Il y a beaucoup d’échanges, en tout cas pour ceux qui veulent bien s’y intéresser.
Encore une fois, cela fait partie de notre avenir. Je pense que ceux qui ne s’y intéressent pas vont « mourir » dans peu de temps : ce n’est pas l’avenir, c’est déjà le présent !
Je pense que notre Industrie est un petit peu « à la bourre ». Plein d’autres Industries, qui ne sont pas du Spectacle, sont déjà très avancées sur la partie Numérique, en Marketing, en Vente Digitale… Nous, on n’est pas en avance. Il faut être « présent », il faut être « maintenant », il faut avancer.
Ce sont beaucoup d’apprentissage et de force de conviction quand tu dois convaincre tes équipes de tester des choses. Ça marche, ça ne marche pas… Tu apprends et tu passes à autre chose.
Je pense que c’est ma personnalité, clairement.
J’aime bien faire des plans de match : « Voilà notre objectif, on va y aller comme ça… » [Rires], c’est très « sportif » de faire ça. Dans les stratégies que je propose aux Artistes, il y a un peu de ça. Il y a un peu de séquences d’entraînement. C’est un peu fait de la même manière.
Durant toute la saison, un Sportif de haut niveau ne peut pas « être au top » à toutes les compétitions, c’est impossible. Il doit choisir. Je pense que c’est un peu pareil pour les Artistes.
J’aime les accompagner car un Artiste n’est pas que son art. C’est sa personne, son inconscient, c’est « qu’est-ce qui le fait courir ? », « c’est quoi sa recherche ? » …
Je trouve que c’est hyper important de comprendre l’Artiste et de savoir tout ce qui est « à l’intérieur » pour essayer de dévier ses résistances et l’accompagner le mieux possible. Voilà ce que ça m’a appris.